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Communalisation Ou Départementalisation Du Bfem : Les Enseignants Remettent En Cause La Crédibilité De L’examen

Communalisation Ou Départementalisation Du Bfem : Les Enseignants Remettent En Cause La Crédibilité De L’examen

«Bonjour chers collègues. Je voulais juste qu’on discute de la correction du Bfem. Ici à Saint-Louis commune, on corrige parfois nos propres élèves, nos neveux et nos fils parce qu’il n’y a plus de déplacement pour les examens.» C’est le cri du cœur d’un enseignant de la capitale du Nord qui dénonce la communalisation de cet examen sur la page facebook du ministère de l’Education destinée aux échanges sur la pédagogie.

«L’As» a sauté sur l’occasion pour en faire un dossier. En effet, cette situation fait suite à la réforme de 2017 dans laquelle l’organisation du Bfem a été confiée aux inspections départementales de l’Éducation et de la Formation (IEF) au détriment des Inspections d’académie (IA). C’était dans le but de rationaliser les dépenses de l’Etat qui était confronté à des grèves cycliques dont la principale cause était liée au non-paiement des indemnités de déplacement des enseignants et surtout de diminuer lesdites indemnités. Ce qui fait que les enseignants qui, jadis, étaient convoqués d’un département à un autre, se voient aujourd’hui limités à l’intérieur de leur circonscription. Et dans d’autres départements, ils convoquent les enseignants dans la même commune. Ce qui fait que ces derniers corrigent les copies de leurs propres élèves.

En plus de la correction, les enseignants de l’élémentaire qui sont convoqués pour la surveillance, surveillent leurs propres élèves qu’ils avaient en primaire. Cela suscite un doute sur la crédibilité de l’examen. Un avis que partageait Mouhamed Diop, un enseignant à Cap Skirring. Dans une lettre adressée à Serigne Mbaye Thiam, publiée dans le quotidien «Le Quotidien», l’enseignant avait interpellé le ministre sur ce système d’évaluation qui, à ses yeux, laisse à désirer et ôte de plus en plus au diplôme sa crédibilité. «Vous savez pertinemment que si l’organisation était sanctionnée de sérieux et de rigueur, on atteindrait difficilement la moitié du pourcentage de ces dernières années. Vous le savez mieux que moi aussi que ce mal vient principalement du fait que vous refusez de mettre les moyens qu’il faut pour un bon
déroulement de cet examen», regrettait l’enseignant qui reprochait à l’époque au ministre Serigne Mbaye Thiam de refuser de mettre dans de bonnes conditions les correcteurs pour qu’ils soient à l’abri de toute tentative de corruption. «Puisque le correcteur qui fait un déplacement de moins de 70 km perçoit une indemnité égale au quart de celle de celui qui fait plus de 70 km, vous faites tout depuis des années pour que les correcteurs restent presque chez eux pour dépenser moins en termes d’indemnités de déplacement», avait déploré l’enseignant.

Ousmane Camara Professeur : «Avec ce système,  certains collègues ne peuvent pas s’empêcher de corriger les copies de leurs élèves »

Le sujet est d’actualité chez les enseignants. Ousmane Camara, professeur en mathématiques et de Sciences physiques à Bignona, souligne que la crédibilité de l’examen dépend des modalités de la correction et de la surveillance. Malheureusement, dira-t-il, avec ce système, certains collègues ne peuvent
pas s’empêcher de corriger les copies de leurs élèves. Au-delà de l’application de la double correction, il reste convaincu qu’il urge de régionaliser l’examen du Bfem. «On doit envoyer les correcteurs dans les autres IA et IEF. Cela permettra d’avoir plus de crédibilité. Et pour cela, l’État doit mettre les enseignants dans les bonnes conditions en augmentant des indemnités de déplacement pour éviter l’influence des parents d’élèves», affirme Ousmane Camara.

Pour sa camarade enseignante en Histoire et Géographie dans un collège à Dakar, qui préfère garder l’anonymat, avec la communalisation du Bfem, beaucoup d’enseignants sont beaucoup plus tolérants dans la correction. «On voit parfois des gens qui corrigent leurs propres élèves, surtout les camarades
qui donnent à la fois des cours aux écoles privées et aux publiques», avoue-t-elle. Notre interlocutrice demande ainsi au nouveau régime de revoir ce système à défaut de supprimer le Bfem qui perd de plus en plus sa valeur à cause d’un manque sérieux.

Djibril Ly : «On voit des enseignants qui surveillent leurs anciens élèves »

Pour sa part, Djibril Ly, le professeur au lycée de Madina Ndiathbé dans le département de Podor, relève plusieurs manquements liés à la fiabilité des épreuves d’évaluation du Bfem. «On constate beaucoup de failles. Il y a des professeurs qui corrigent les copies de leurs propres élèves. Si un élève fait dans un collège 3 ans où il est exclu, et avec les collèges de proximité, un professeur peut se retrouver avec 10 copies, on peut se retrouver avec un élève qui a fréquenté notre établissement», indique le professeur.
Outre la correction, il indexe aussi le niveau de surveillance qui peut amener à remettre en cause la crédibilité de l’examen. «On voit des enseignants qui surveillent leurs anciens élèves.

Et aussi, à cause de la prise en charge surtout dans les villages où les correcteurs sont bien accueillis par les associations des parents d’élèves, certains vont même jusqu’à être tolérants dans la correction et la surveillance. Et cela ne rend pas sérieux le travail», déplore Djibril Ly qui dénonce le non-paiement de ses frais d’indemnités de déplacement de l’année dernière.

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