Présidentielle 2024 : Les inacceptables conséquences d’un éventuel report
Les députés ont mis en place, hier, une Commission d’enquête parlementaire dans le but de revoir tout le processus électoral. L’enquête des députés devra notamment examiner les conditions d’élimination de certains candidats comme Karim Wade mais aussi des 41 recalés de la Présidentielle. La demande avait été faite par les députés libéraux de Wallu avec à sa tête Mamadou Lamine Thiam, président de leur groupe parlementaire. Le vote a été fait hier après de houleux débats entre la majorité et l’opposition. Finalement 120 députés ont voté pour et plus d’une vingtaine, contre.
En clair, au-delà des députés libéraux, ceux de Benno Bokk Yakaar de la majorité sont largement acquis à cette cause. Fondamentalement, ce que cherchent ces députés, c’est le report de l’élection présidentielle. Et ils ne s’en cachent pas, outre mesure. Thierno Alassane Sall qui avait été l’artisan du recours contre la candidature de Karim Wade a été pris à partie par certains députés. Comme d’habitude, l’Assemblée a montré un hideux visage du fait justement des comportements de certains d’entre eux.
Qu’à cela ne tienne, la Commission mise en place va installer incessamment son bureau pour commencer son travail. Une tâche qui sera loin d’être facile. Car, en toile de fond, c’est le travail du Conseil constitutionnel qui sera ausculté et remis en question. Et au-delà de ce travail, l’honnêteté et la crédibilité de certains juges du Conseil constitutionnel nommément accusés d’actes graves de corruption. Or, dans leurs communiqués sortis en des moments différents, l’Union des magistrats du Sénégal (Ums) et le Conseil constitutionnel ont tenu clairement à rappeler, à tous le principe de la séparation des pouvoirs au Sénégal et le fait qu’ils ne sont soumis qu’à l’autorité de la loi. C’est dire qu’il sera peu probable que ces magistrats répondent à l’invitation de les entendre par cette Commission.
Un refus probable que des députés ont anticipé pour tirer à boulets rouges sur ces magistrats. Ces parlementaires ont tenu aussi à rappeler qu’ils peuvent entendre toute personne qui pourra leur permettre de connaître la vérité. En tout état de cause, la démarche de ses députés majoritaires à l’Assemblée nationale cache mal le dessein de reporter la présidentielle. Même si, par ailleurs, nous ne savons pas par quel canal on peut passer pour le faire.
Au cas où les manœuvres aboutissaient, ce sera un coup dur pour la démocratie et surtout une tâche sombre dans le bilan d’un Président de la République qui a tenu à ne pas déposer une troisième candidature. Car, en toile de fond, on aura eu l’impression qu’il a tout fait pour proroger son mandat et se maintenir au pouvoir. Cependant, les arguments des recalés notamment Karim Meissa Wade peuvent très bien être acceptables.
La sénégalité de ce fils de Wade ne souffre d’aucune réserve et certains députés comme le Docteur Cheikh Tidiane Gadio ont eu à démontrer pourquoi l’examen du parrainage par le Conseil constitutionnel a posé problème. Mais, tous ces arguments, aussi défendables qu’ils soient, ne sauraient justifier un report. Si on reprenait tout le processus, cela aura également pour conséquence, la dissolution du Conseil constitutionnel et la nomination de nouveaux ‘’sages’’. Ce qui serait inacceptable également à cette étape du processus.
Malheureusement, le simple fait d’avoir mis en place cette Commission parlementaire avec la bénédiction de la majorité des députés jette un discrédit sérieux sur le processus en cours. Et ça aussi, c’est inacceptable. C’est dire que le Sénégal est vraiment en train de devenir une exception démocratique au sens négatif de cette expression parce que l’on aura assisté à toutes sortes de manœuvres pour éliminer ou faire repêcher des candidats.
Assane Samb LERAL
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