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#Thiès – Frustration et démotivation : Les sentiments qui animent les enseignants décisionnaires

#Thiès – Frustration et démotivation : Les sentiments qui animent les enseignants décisionnaires

«Rendez-nous notre dignité !» Ce cri du cœur émane des enseignants décisionnaires du Sénégal qui, animés par des sentiments de frustration et de démotivation, se sont retrouvés en conclave, ce vendredi 10 mai 2024 à Thiès, pour s’arrêter sur un point fondamental : «La valorisation du diplôme professionnel.»

Par Cheikh CAMARA – Les enseignants décisionnaires broient du noir. Les échos de leurs lamentations résonnent depuis des années. Le coordonnateur du Collectif des enseignants non fonctionnaires de l’Etat (Cenfe), Amadou Camara Diène, campe le débat : «Le diplôme n’étant pas rétroactif, nombre d’entre nous ayant réussi leur examen avant l’âge limite de 30 ans ou 35 ans et ayant attendu des années durant la sortie d’un hypothétique acte (Ceap, Cap, Caecem) due aux lenteurs administratives, ont été, après la sortie de celui-ci, engagés en qualité d’enseignants décisionnaires.» Ils étaient en conclave à Thiès pour rappeler leurs mauvaises conditions de traitement. Alors qu’ils font le même travail que les autres enseignants fonctionnaires. M. Diène déplore une situation qui perdure : «Les enseignants attendent parfois des années les commissions qui tardent généralement pour diverses raisons (grève des inspecteurs, enclavement du lieu de service, insuffisance de moyens logistiques des lef).» Aussi, «la lourdeur de la procédure pour obtenir un acte est telle que les enseignants sont obligés de quitter les classes pour s’en occuper». Sans compter le fait qu’une fois devenus décisionnaires, «les agents qui ont commencé avec le Ceap ne bénéficient pas de leur ancienneté, à l’instar des fonctionnaires (40% chez les instituteurs, 30% pour les Pem, 20% pour les Pes), après l’obtention du Cap. Ils recommencent avec le grade le plus bas ID2/1, comme si la dizaine ou la vingtaine d’années qu’ils ont fait ne servait à rien».
Ainsi, un agent avec une vingtaine d’années de service va se retrouver moins gradé qu’un jeune ayant été recruté avec le Bac et ayant fait moins de dix ans. Cette situation, selon ces enseignants, «créait des frustrations et des insubordinations dès lors que ces nouveaux deviennent les supérieurs hiérarchiques de ces agents qu’on appelle affectueusement «doyens» du fait de leur âge, mais qui sont les inconsidérés du point de vue du grade». Aussi d’évoquer «la pension de retraite que les agents non fonctionnaires perçoivent à l’Ipres, contrairement aux fonctionnaires qui dépendent du Fnr, qui est d’une modicité sans nom, allant de soixante mille à moins de quatre-vingt-dix mille et payée sans aucun égard et avec un retard sans rappel d’aucune sorte».
Et pourtant, rappellent Amadou Camara Diène et ses collègues, «à part le statut, rien ne différencie le décisionnaire et le fonctionnaire en activité, car ils font les mêmes tâches, ils sont assujettis aux mêmes rigueurs professionnelles, ils sont recrutés par le même canal, ils subissent la même formation, mais ils ont un traitement différent du point de vue carrière». En somme, selon eux, «il urge que l’Etat, par le biais du ministère de la Fonction publique, se penche sur ces questions».
En «revalorisant le diplôme professionnel au reclassement de l’enseignant décisionnaire, c’est-à-dire faire prendre l’effet pour compter de la date d’obtention du diplôme professionnel et non pas pour compter de la date de signature de l’acte». Les enseignants décisionnaires du Sénégal font aussi état de la «nomination dans le corps des fonctionnaires, d’enseignants ayant obtenu leur diplôme avant l’âge de 35 ans : l’argumentaire qui avait été agité face aux décisionnaires ayant déposé pour une régularisation (la validation) étant obsolète dés lors que les fonctionnaires bénéficient désormais de cette validation». Egale­ment la nécessité de «remettre dans leurs droits les enseignants reclassés par erreur comme décisionnaires à cause de la négligence de certains agents de la Fonction publi­que».
Amadou Camara Diène et ses camarades insistent sur la nécessité de «revaloriser la pension de retraite de 80 pour cent au moins du dernier salaire», «bénéficier de l’imputation budgétaire après la retraite», «aligner le Fonds de dégagement sur celui le plus haut alloué aux autres agents de la Fonction publique». Aussi de rappeler au Premier ministre que «le Sénégal s’est engagé, par la Constitution et les différentes conventions internationales, à respecter les droits humains. Parmi ces droits, figure en bonne place la protection du citoyen dont le travailleur, et c’est ce qui explique la ratification des textes de l’Oit et du Bit. Ce faisant, nos institutions ne peuvent rester aphones sur la situation injuste et discriminatoire des agents non fonctionnaires dont les enseignants décisionnaires».
Le coordonnateur du Collectif des enseignants non fonctionnaires de l’Etat pense qu’«il urge aujourd’hui de réformer ou d’adapter les textes pour les mettre en phase avec les réalités du moment». Il rappelle qu’«au lendemain des indépendances, pour marquer notre identité, des juristes constitutionalistes ont travaillé sur des textes réglementaires qui vont organiser notre Fonction publique. C’est ce travail intellectuel d’experts qui a produit la loi 61-33 du 15 juin 1961 qui concerne les fonctionnaires et la loi 74-347 du 12 avril 1974 applicable aux agents non fonctionnaires de l’Etat». Aujourd’hui, souligne-t-il, «soixante-trois ans après les indépendances, il y a bien des articles et des parties de cette loi qui régit le statut général des fonctionnaires qui méritent une profonde révision».

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